Retour en arrière et rencontre dans une rue [fini]

J'avançais tranquillement dans la rue de la ville d'Alberta. Je me souvins pourquoi et comment j'en suis arrivé ici :
J'étais sur une île. Pas une île déserte mais une belle île, possédant une végétation luxuriante. Les maisons étaient rouge brique et étaient hautes comme celles d'Alberta. Je marchai dans les rues, ne sachant où aller. Je passai devant une bâtisse qui ressemblait aux auberges des villes que je connaissais. J'y entrais et l'odeur de sueur et d'alcool me montèrent au nez. Dès mon entrée, les bavardages cessèrent et tout le monde me dévisagea. Je n'avais que 16 ans mais - je ne sais pas pourquoi, peut-être a cause de l'écharpe rouge nouée autour de mon cou - les gens me craignaient. Partout où j'allais, c'était pareil : les passants qui me croisaient me regardaient avec un visage soit effrayé, soit stupéfait. Visiblement, la réputation de la Guilde augmentait auprès de la population. Je ne sais pas si c'est bon ou mauvais pour nous. Je me dirigeai vers une table libre, un peu reculée du reste des autres et j'appela le serveur. Je commandai une bière, un demi-pain et du lard fumé. Repas frugal mais copieux s'il en est. On m'apporta ma commande assez rapidement. Je m'empara du lard et le porta a ma bouche. Je le mâchonnai en observant les gens qui buvaient et riaient. Un homme s'approcha de moi. Je lui donnais une quarantaine d'années, assez grand, et bien basé. Surement un forgeron ou un bûcheur. Il m'adressa la parole :
" Hé la jeune homme, d'où viens-tu ? " me héla-t-il
Je ne répondis pas tout de suite, glissant discrètement ma main sur le fourreau de ma dague. Réflexe professionnel surement.
" Et en quoi cela vous intéresse-t-il ? " répondis-je froidement et sèchement.
L'homme parut désemparé vis-a-vis de ma réaction. C'est vrai que j'étais souvent brusque dans mes réponses, n'aimant pas le contact de la foule.
Néanmoins, il sourit et rit même de ma réponse :
" Et bien, sacrebleu, tu n'as pas ta langue dans ta poche petit ! En vérité, je cherche un jeune assistant pour m'aider a la forge. Et je me suis dis que tu pourrais faire l'affaire. Tu as l'air solide et tu sembles assez fort "
Je regardai longement l'homme, pesant le pour et le contre de sa proposition. Préférant travailler en solitaire, j'étais prêt a refuser. Puis je me ravisai : cette proposition était finalement la bienvenue. Elle me fournirai a manger, un toit et une paye. Oui, en fin de compte, c'était mieux d'accepter.
" J'accepte ton offre forgeron ! Mais sache que je ne compte pas rester plus de quelques semaines ici. " déclarai-je
Le forgeron sourit et me tendit sa main. Je la serrai et me présentai comme Dalaïr mais je n'en dis pas plus concernant mes origines et mes motivations. Il s'appelait Foxaras. Mais tout le monde le surnommait Fox. Nous sortîmes de l'auberge et il m'emmena vers un bâtiment légèrement en retraite, de la fumée sortant d'une immense cheminée en granit.
Il introduisit une clé plus grande que la moyenne et poussa les deux grandes portes battantes. Je sentis directement la chaleur et l'odeur de feu dominant l'atmosphère de la pièce. Il me fit entrer et me fit visiter la bâtisse. Au rez-de-chaussée se trouvait la forge, avec l'enclume, le feu ouvert et tout ses instuments. A l'étage se situait la partie "maison", pourvu d'une salle a manger rudimentaire et de deux chambres comportant chacune un seul lit. J'en déduisis que Foxaras vivait seul et n'avait pas d'enfants. Tant mieux, au moins je ne serais pas dérangé. Je m'installai, déposant mes quelques affaires sur le lit. Je m'étendis dessus et réfléchis. Qu'allais-je faire a présent ? Aider le forgeron meublerait une grande partie de ma journée. Peut-être même une trop grande partie. Bah, je trouverai bien le moyen d'interroger les clients au sujet de Shiro. Cependant, je ne pouvais qu'admirer le courage de Foxaras qui était venu réclamer mon aide. Il devait savoir qui j'étais vraiment et ce que j'avais fait. Mais tout cela lui importait peu et il m'avait proposé de devenir son apprenti. j'entendis le forgeron monter dans sa chambre et s'endormir. Je sus qu'il dormait car Fox ronflait comme un ours. Je souris à cette remarque faite à moi-même et sombrai a mon tour dans les méandres du soleil. Les mois qui suivirent celui du début de mon initiation furent semblables. Mon travail consistait a aider le forgeron en lui apportant tel ou tel outil, raviver le feu, etc.
Alors que j'interrogeais une jeune femme venue a la forge pour une épée, un cadeau pour son mari, elle me parla des rumeurs qui circulaient sur les Assassins, comme quoi deux d'entre eux avaient été vus non loin d'Alberta. Aussitôt, je pensai a Shiro. Puis cette idée me parut tellement absurde que je la chassais, me contentant d'hocher la tête pour dire que j'avais assimilié l'information. Le soir, je remarquai que Fox restai plus longtemps dans la forge avant de venir manger avec moi.
Puis un beau jour, le drame est arrivé ! Je me réveillai et je sentis tout de suite que quelque chose n'allait pas. Le feu n'était pas allumé ! Fox est rarement distrait, de plus, jamais il n'oublierait d'allumer le feu de la forge, jamais. Je sentis tout mes sens se mettre en alerte, comme lorsque je devais affronter un adversaire. Je sortis ma dague de son fourreau et me dirigeai vers la chambre du forgeron. Et là, je découvris le corps sans vie de Fox. Il ne portait aucune marque de coup ni rien. Ses traits semblaient même paisibles. Il avait du sentir venir la mort l'avait acceuille. Je l'examinai plus attentivement. Il tenait dans ses bras un écrin. Un magnifique écrin taillé dans un bois précieux a vue d'oeil et orné de motifs superbes. Je l'ouvris et découvrit une lettre, qui m'était adressée. Je la pris et regardai le contenu de l'écrin. Une dague ! Une dague magnifique, avec une garde sertie de deux rubis rouge sang. Une lame droite et fière de 25 centimètres avec un fourreau lui aussi serti de rubis. Je déplia alors la lettre et la lut :

Mon cher Dalaïr,

Si tu lis ces mots, c'est que je suis mort ou alors, c'est que tu es sur un bateau qui t'emmène loin de moi. Sache que même si tu n'as passé que quelques mois, je t'aimais déjà beaucoup. Tu fut pour moi le fils que je n'ai jamais eu. Cela va peut-être te paraître grotesque vu ton caractère réservé, propre a ta profession je suppose. Tu as découvert avec cette lettre, une dague. Elle est pour toi. Je sais que tu en feras bon usage.

Porte-toi bien
Foxaras

Les larmes me vinrent aux yeux en lisant cette courte lettre mais tellement émouvante. Je ne comprenais pas pourquoi il était parti aussi vite. J'aimais bien moi aussi Fox, il était bon et gentil. Ne supportant pas la vue de ce corps que la vie avait quitté désormais, je rangeais la lettre dans l'écrin et passait le fourreau avec la dague du côté gauche de ma ceinture. J'avais appris le maniment des dagues a deux mains et j'étais un parfait ambitextre, je n'aurais donc aucun mal a combattre a deux mains.
Je sortis de la maison de me dirigeai vers l'auberge. j'entrai et annonçai la nouvelle du décès de Foxaras. Tout le monde resta silencieux, dans une atmosphère de mort. Je décidai de quitter cette île pour me remettre en quête de mon frère. Je précisai que j'étais sur le départ et saluai tout le monde d'un adieu sollenel. Un bateau était justement en destination d'Alberta. Je n'eus pas de difficulté a me faire engager en temps que mousse. Le trajet ne dura pas plus de quelques jours. Jours durant lesquels je travaillai aux cuisines. Au bout du cinquième jour de voyage, nous débarquâmes enfin a Alberta...Je louai une chambre a l'auberge du coin.

Je chassai ses souvenirs et repris alors ma marche vers le port. J'aimais sentir l'air marin fouetter mon visage. Je m'appuyai sur un mur non loin des quais et regardai les bateaux décharger leurs marchandises, subvenant aux besoins alimentaires d'Alberta. Mon regard se portai également sur les passants. Tant de gens normaux se promenaient ici, vivant une vie idéale. Alors que moi, recherchant mon frère depuis presque 4 ans, je ne trouvai rien. Je repartis vers l'auberge, dans l'espoir d'y entendre quelconques rumeurs concernant Shiro. Je me dirigeai vers l'auberge quand mon regard accrocha une jeune femme qui sortait de l'établiseement. Elle devait avoir une vingtaine d'années, était belle et avait de longs cheveux noirs et une silhouette fine bien que assez musclée. Mais ce qui me frappa le plus fut ses vêtements. Elle portait une écharpe rouge, symbole de son appartenance a la Guilde des Assassins. Peut-être connaissait-elle Shiro. L'espoir revint en moi ... Elle se dirigeait vers une rue quasiment déserte et je décidai de la suivre. J'allongeai le pas et l'interpelait, le coeur battant ...

Spoiler:

Si les citadins étaient travailleurs, ils ne connaissaient pas bien les débuts de journées ! La plupart des Albertiens travaillaient toute l'après-midi, jusqu'au soleil couchant, mais ils veillaient encore bien au delà que la nuit ne soit tombée. Les deux auberges de la ville étaient remplies d'hommes cherchant à passer un bon moment jusqu'à ce que la fatigue les assomme, puis les lieu-dit se vidaient peu à peu. Pour ceux qui dormaient sur place, disons qu'il fallait avoir un sommeil profond pour ne pas se réveiller à chaque rire éclatant, ou cri chaleureux. Heureusement, la plupart des clients qui y passaient la nuit étaient trop fatigués pour seulement entendre ces bruits qui, moi, me gardaient éveillée.

Après avoir longuement détendu mes muscles endoloris dans un bain chaud, la température baissante de l'eau m'avait obligée à me sécher. Le rez-de-chaussée encore animé, je ne trouvai pas le sommeil avant un bon moment, et je passai donc une bonne partie de la nuit allongée sur le dos, les mains jointes sur mon ventre, les yeux clos; mais je ne dormais pas. Le tapage de l'étage inférieur m'en empêchait, moi au sommeil léger. Mais rester immobile sur un matelas, avec des draps propres, me suffisait amplement, après cette petite semaine d'inconfort. Ce n'est qu'au petit matin, lorsque la taverne du rez-de-chaussée ferma, que je pus m'assoupir pour quelques heures.

Au réveil, je me sentis parfaitement reposée. Dès que j'ouvris les yeux, je sentis le bien être que me procurait une nuit dans une vrai chambre, sans l'inconfort du vent, de la pluie, d'un sol trop dûr, de bêtes sauvages, ou simplement de mes propres pensées. Habituée à m'activer de bonne heure, je me levai et me rafraichi dans une bassine froide. Shiro dormait encore, dans le lit d'à côté. Il paraissait également reposé, et paisible dans son sommeil.

M'habillant en silence, je ne réfléchis pas à ce que je ferais. Trop concentrée à ne faire aucun bruit (pour ne pas réveiller Shiro), je vêtis avec une habitude mure due à la répétition exagérée de ce geste ma tenue d'assassin, pas si simple que ça à mettre. J'aime ne pas avoir trente-six-mille couches sur moi, qui ralentissent mes gestes. Ma tunique est légère, ouverte à de nombreux endroits, ne comporte aucune poche, mais quelques plis où je pouvais, en cas de besoin glisser une feuille, au maximum. Un assortiment de ceintures auxquelles pendaient seulement deux fourreaux, pour mes deux dagues, pendaient à ma taille. Mes grosses bottes en métal sont le plus difficiles à mettre, lorsque j'exige le silence. En dernier lieu, et avant de la mettre, je regardai l'écharpe rouge (car la mienne est encore rouge ! record battu !). Tous les matins, j'avais ce moment de nostalgie, court ou moins court encore, je m'arrêtais toujours pour soupirer avant de la vêtir.

Fermant doucement la porte derrière moi, je descendis encore silencieusement les escaliers de l'auberge. Arrivée à ce restaurant/taverne qui avait tourné encore une bonne partie de la nuit, je ne vis qu'un travailleur, assoupi derrière le comptoir. Sans doute un garde de nuit... l'auberge ne pouvait être laissée sans surveillance, d'autant plus que le propriétaire serait fou d'habiter les lieux.

Traversant la salle, je sortis et respirai l'air marin qui ne m'avait absolument pas manqué pendant toute la période où j'étais loin d'Alberta. Quelle puanteur... les Albertiens devaient y être habitués. Avaient-ils les mêmes facultés olfactives que n'importe qui d'autre ? J'en doute ! D'ailleur, je ne voyais pas une ombre, ce matin. Pourtant, j'entendais des bruits, venant du port. Un bateau commerçant avait du s'amarrer dans la matinée, et les marchandises devaient sans doute être déchargées. Je traversai la place, mais mon regard survola un garçon d'un peu moins de vingt ans... 18 peut-être. Ce garçon, ou ce jeune homme serait plus correcte, portait une tenue d'assassin, ou, du moins, affichait son appartenance à la classe par l'écharpe rouge sal qu'il portait.

Ca ne nous arrive pas souvent de rencontrer un de nos semblables. Nous sommes tellement peu nombreux. Mais ça arrive, et alors, il n'y a pas de règle, ou de rituel, faisant agir les deux individus d'une certaine manière. Mais la sympathie et la curiosité poussent souvent les deux Assassins à se rencontrer, à échanger quelques mots, se présenter.

Je n'avais que balayé le jeune Assassin du regard, et avait alors tout de suite dévié ma direction vers la gauche, en angle droit, pour me diriger vers une petite ruelle dans laquelle, il me semblait, je n'avais vu personne. J'entendis une voix masculine appeler...

" Dame... " disait-elle.

Bien sûr, ça ne pouvait être que lui. Sans y prêter attention, et dans l'espoir qu'il me suive (quoique le contraire eut été surprenant), je fondis dans l'ombre des maisons qui, si tôt le matin, s'allongeait sur toute la largeur de la rue. Mais, dès que je fus hors de vue, après avoir tourné le coin, donc, je me hissai à une poutre en bois et m'accroupis sur les fondations des maisons (ce genre de poutres en bois massif qui surhaussait le passage. Puis, tel un chat qui flânait sur les toits, je me mis à la recherche d'un endroit d'où je pourrais descendre en un bond.

Il ne tarda pas, à son tour, à pénétrer l'ombre et le quasi désert des lieux. D'en haut, je fus d'abord frappé par la blancheur poignante des cheveux de ce garçon, qui me donna presque envie de rire. Shiro était-il devenu un tel modèle pour ces nouveaux Assassins qu'ils faisaient tout pour lui ressembler ? Vrai que la tignasse de mon ami n'est pas commune, ni discrète. Des "on dit que Celui qui a créé les Assassins a des cheveux blancs comme la neige, et une intelligence aussi froide qu'elle !" et des "on dit qu'il est accompagné d'une fille belle comme la mer (comme on raconte souvent près de la côte) qu'il a rencontré dans le mystère, et qu'elle fut sa première élève" sont tellement courants. Des fois, je me demande s'ils croient vraiment qu'on existe... Pour le reste, le jeune Assassin n'avait aucun signe distinctif. Il se tenait plutôt droit, mais je ne pouvais voir son visage, de mon perchoir.

J'attendis malgré tout quelques secondes, le temps qu'il se demande où j'étais partie. Le temps de surprendre, le temps qu'il puisse se laisser surprendre. Ne jamais se laisser surprendre, c'est ma règne première. Mais j'ai un vilain péché-mignon à aimer, moi, surprendre les gens. Lorsque je jugeai le moment opportun, je sautai simplement de la petite rigole sur laquelle je m'étais perchée, à deux pas devant mon nouvel ami.

Spoiler:

Je suivis la jeune femme dans la ruelle sombre dans laquelle elle s'était engagée. Mon coeur battait fort, trop fort a mon goût. De quoi avais-je réellement peur ? Peur de sa réponse ? Ou simplement, peur de cette femme qui m'intriguait du fait qu'elle exerce la même profession que moi ? N'ayant jamais rencontré d'autres Assassins, je ne connaissait aucune formule de politesse, ni s'il existait un protocole ou un rituel.

J'arrivais au bout de la ruelle sans la trouver. Elle avait disparu...

L'angoisse montait en moi et je tenais de la calmer. Elle ne pouvait avoir disparu aussi facilement et aussi rapidement. Je regardai autour de moi. Personne ! A nouveau, une poussée d'adrénaline s'injecta dans mes veines, faisant battre mon cœur comme jamais. Je tentai de réfléchir. Où avait-elle pu passer ? De nouveau, je parcourus la ruelle, détaillant chaque recoin où elle aurait pu se cacher. Mais ne trouvant personne, je commençai à douter de ma raison. Avais-je bien vu cette jeune femme ? Deviendrais-je fou ?

Je retournait sur mes pas, me décidant enfin a quitter cette sombre ruelle quand, subitement, une forme surgit du ciel et atterrit juste devant moi. Mon cœur faillit me lâcher et je poussais un cri d'effroi, plus fort que je ne l'aurais voulu. Il ne dura pas longtemps, mais je fus subjugué par la facilité avec laquelle la jeune femme m'avait surpris. Passé le choc initial, je grommelais contre moi-même. Comment n'avais-je pas pensé à regarder en haut ? Je jetai donc un œil sur les hauteurs et aperçus une sorte de mât, sur lequel elle s'était surement perchée en attendant le moment propice pour surgir. Quel était le but de cette comédie ? Je me retins de parler, me contentant de l'admirer.
Je la détaillai de près. Elle était assez belle, en dépit de sa tenue légère d'assassin. Elle avait de longs cheveux noirs ainsi qu'une paire de magnifiques yeux bleu clair. Elle était belle, c'était un fait. Mais je me doutai que par la profession d'assassin, elle n'en était pas moins redoutable.

Je souris en pensant à ce que Foxaras m'avait dit une fois en riant : " Une belle femme est plus dangereuse que la meilleure des dagues ".

Chassant de nouveau des souvenirs de mon ancien ami. Je me souvins du pourquoi j'avais suivi la jeune femme : Shiro. Je n'eus pas a parler car je vis qu'elle était sur le point de le faire

Je ne vis pas sa surprise, lorsque j'atterris sur mes pieds, dans un genre de position assise, devant lui. Pour ce genre de saut, je ne remerciera jamais assez mes hautes bottes rembourrées, qui m'empêchaient à chaque fois de me tordre une cheville. Je crus entendre un petit cri, pas plus fort que ça, juste un son qu'il n'aurait pu retenir en me voyant le surprendre. Mais ce n'est que quand je tendis mes jambes, pour me relever, que je pus voir son visage. Il était fermé, du moins il essayait de le rendre impénétrable. Ses traits le faisaient paraitre plus jeune que je ne l'avais cru.

Je le dévisageai un moment. Ses sourcils étaient froncés, quelques rides marquaient ce qui ressemblait à de l'inquiétude, de l'angoisse, ou un autre sentiment du même calibre. La prunelle de ses yeux était dilatée, mais je ne sus comment interpréter ça. Il n'avait pas l'air de se sentir menacé, mais plutôt dérouté. Après avoir analysé toute sa posture, mon visage était encore de marbre. J'avais toujours eu peur de voir des Assassins pousser partout, des Assassins qui auraient oublié les valeurs de notre Guilde. Après tout, une fois que notre Guilde aurait prit de l'importance, ce qui était entrain de se faire, nous ne pourrions plus contrôler tout le monde. Je ne connaissais pas tous les Assassins que notre Guilde comportait. Qui sais était-ce déjà arrivé ? Si être Assassin signifie que les mêmes valeurs sont partagées, mais de bouche à oreille, elles pouvaient se perdre. C'est une des raisons pour lesquelles j'avais refusé de me laisser nommer à la tête de la Guilde.

Pour en revenir à ce jeunot, j'avais bien décidée de le laisser voir ce qu'il aurait du être. Je voulais voir s'il était ce qu'il devait être. C'est pourquoi c'est avec une voix froide que je lui posai cette question :

" Ne t'a-t-on jamais appris à ne jamais être surpris ? "

Shiro m'avait dit qu'à ce train, les Assassins allaient vraiment être redoutés, et seulement à cause de moi. Si c'était le prix à payer...

"Ne t'a-t-on jamais appris à être surpris ? "

Elle avait dit cela d'une voix froide, presque menaçante. Ou alors, c'était moi qui me faisait des idées, à force de voir des ennemis partout. Apparement, j'avais réussi à masquer en grande partie ma surprise et ma peur. J'en étais assez fier.

Je remarquai qu'elle me détaillait et qu'elle s'était attardée sur mon écharpe rouge. Je restai impassible, du moins extérieurement car intérieurement, je bouillais. Contenir le flot de questions que j'aurais à lui poser, notement sur Shiro et sur la Guilde.Mais je me contentais de ne rien dire, ni de ne rien faire.

Néanmoins, je n'aimais pas le ton qu'elle avait employé pour me parler. Malgré, et je le savais, l'absence de menace venant de cette Assassin, je posai ma main sur le pommeau de ma dague Ildrandíl - celle que Foxaras m'avait léguée. Je répliquais, cinglant :

" Et toi, ne t'a-t-on jamais appris a être polie et dire bonjour a un confrère ? "

Fier de ma réponse, je ne me laissai pas démonter. Mais pour qui se prenait-elle ? Elle avait surement 5 ans de plus que moi. Mais pas plus. Je vis un sourire se dessiner au coin de sa bouche ou du moins, je crus voir cela.

Se jouait-elle de moi ?

Se MOQUAIT-elle de moi ? A cette idée, je serrai les dents. Assassin ou pas, je détestai être la cible de moqueries ou de quolibets, et celui - ou celle - qui aurait le malheur de se moquer de moi n'aurait pas le temps de rire de sa propre plaisanterie. Parfois, mon caractère trop fougueux prenait le contrôle et m'empêchait de faire la distinction entre amis et ennemis.

Peut-être encore était-elle amusée de, ce que beaucoup de gens considèrent comme de l'insolence, mais que j'appellerai plutôt, le sens de la répartie.

J'attendis donc sa réponse et guettai tout ses moindres faits et gestes. Quelques minutes passèrent ainsi, chacun " jaugeant " l'autre. Tel deux prédateurs prêt à se jeter l'un sur l'autre. Tout mon être était en ébullition, je n'aimais décidement pas son petit sourire en coin. Quelque chose me retenait cependant de lui sauter dessus. J'attendis donc qu'elle prenne la parole ...

L'Assassin ne sut pas tout de suite comment répondre à ma question. Plusieurs secondes passèrent, tout comme des émotions sur son visage. Un masque sûr de lui se brisa en incompréhension, puis en indécision, mais il se stabilisa autour de la colère. Presque rien ne bougeait, autour de nous, mais nous incluant. Seuls des sourcils se fronçaient, des poings se serraient, mon doigt frappait à intervalles réguliers sur ma cuisse. Mon visage, lui, était à peu près immobile. Froid, dur, impassible.

Mes yeux plantés dans les siens, suivant son regard, les mouvements infimes qu'il ne pouvait cacher. Si son maître lui avait appris ça ! S'il avait été l'élève de Shiro, bien sûr qu'il aurait sû où regarder, à quoi penser, les gestes qu'il ne fallait pas faire. Son propre précurseur avait du être un peu plus vague... ou le jeune homme qui se trouvait en face de moi, mauvais élève. Le fait est qu'il porta sa main à sa dague. Très mauvais geste : offensif.

" Et toi, ne t'a-t-on jamais appris à être polie et dire bonjour à un confrère ? " lâcha-t-il sèchement.

D'abord, je ne réagis pas. Le temps que ses paroles me pénètrent, peut-être.
Puis, je levai les sourcils de surprise. Ne jamais se laisser surprendre... ne jamais se laisser surprendre ?! Me voilà surprise (mais pas dans le même sens que ma règle première m'en défendait)! Mon propre masque dur tomba aux éclats, et je me mis à rire sincèrement, quoique ce dû être insultant pour lui. Ha ! Peu importe. Ce gamin était drôle. Drôle comme Shiro ne pouvait l'être autant. Et quoi ? Pour quoi se prenait-il ?

Il fut, comme je l'avais pensé, blessé de mon rire, et plissa les yeux, montra les dents comme un chien fatigué de jouer. Et quoi ? Ça allait m'effrayer ? Mon rire s'arrêta, ne laissant place qu'à un fin sourire en coin. Oui... ça devrait. Ça devrait parce que c'est un Assassin que j'humiliai (enfin, qui s'était humilié, en soit, mais il n'aurait pu s'attendre à une pareille réaction). Et que les Assassins devraient avoir toutes les cartes en main pour ne pas se laisser marcher dessus.

Malgré tous mes efforts (superficiels, je dois l'avouer) pour supprimer ce mi-sourire de mon visage, je ne pus m'empêcher de me remettre à rire un peu après. Il était tellement susceptible ! Tellement impulsif ! Il se retint tout de même de... quoi qu'il avait eu l'idée de faire, et sembla attendre. Ah oui, ça devait être à mon tour de parler.

Mon sourire de coin se perdit un peu, mais mon visage resta ouvert. Je soupirai.

" Bonjour. Je suis Eléanora, et j'aimerai savoir quel homme aurait voulu d'un élève aussi prétentieux que toi. "

" Bonjour, je suis Éléanora, et j'aimerais savoir quel homme aurait voulu d'un élève aussi prétentieux que toi "

Non mais pour qui se prend-elle vraiment ?

Mais elle avait touché un point sensible : je n'avais jamais eu de Maître Assassin. Je me savais donc en-dessous de la moyenne des jeunes Assassins. Ho bien sûr, j'étais doué. Ce n'était pas de la vantardise mais juste une constation. Même si je peux paraître arrogant, je n'en suis pas pour autant à me placer au-dessus de la moyenne. Je réfléchis quelques instants pour trouver une réplique cinglante à sa provocation - si toutefois c'en était une.

Mais rien ne vint, je restai sans réponse devant cette jeune femme. Je rageai contre moi-même de ce manque de repartie, qui d'hbitude, ne me faisait jamais défaut. Mais plus que je ne le pensais, elle m'avait déstabilisé. Tout les Assassins avaient été formés par un Maître, par quelqu'un qui leur avait enseigné des techniques de combat, des ruses, et même l'histoire - bien que toute récente - de la Guilde. Je ne connaissais rien de tout cela. Mes techniques, je me les étais forgées moi-même, avec l'expérience.

Je cachai une petite grimace en pensant à la cicatrice de mon dos - preuve de mes erreurs et de mon vécu. Sans savoir pourquoi, cette Éléanora m'inspirait confiance - chose rare avec mon caractère plutôt asocial.
Je décidai donc de lui faire confiance.

" Et bien, au risque de te décevoir, je n'ai jamais eu de Maître. Mais je suis un Assassin à part entière malgré tout. Je me suis accoutumé au combat à la dague et à certaines ruses. Mes expériences ont parfois été douloureuses, mentalement comme physiquement. Sûrement plus douloureuses que tu pourrais imaginer. Si tu en veux la preuve, regarde "

Je m'appretai à lui montrer - ainsi, peut-être comprendrai-t-elle que je suis moi aussi un Assassin - ma cicatrice.

Mais je stoppai net mon geste . . .

Ma question suscita une hésitation chez mon interlocuteur, un doute. Je n'en tirai pas de conclusion hâtive, comme j'aurais été amenée à la faire dans un autre cas, mais l'idée qu'il ne soit qu'un paysan en quête d'aventure ayant confectionné une tenue d'Assassin approximative pour pouvoir prétendre à ce titre m'effleura l'esprit. J'avais cru, avant que cette pensée demande réflexion, que les Assassins avaient une image trop mystérieuse et sombre pour être autre chose que craint. Et à raison ! Mais penser que des jeunes rêvaient dans leur fort intérieur de devenir un jour Assassin me fit découvrir une nouveau point de vue : la chance que j'avais. La vie que je menais, la liberté... Bien que les sacrifices et les changements ne soient pas moindres.

Après tout... ne fallait-il pas avoir connu beaucoup de contraintes, de douleurs pour en être où nous en sommes ? Qui voudrait, ayant une paisible vie de paysan devant soit, tout gâcher pour vagabonder, rôder sur terre sans connaître de maison, de chez soit ? Le choisir. Il faudrait être fou, je pense. Mais les avis divergent sûrement... et l'idée d'être un exemple pour l'une ou l'autre personne me déstabilisait intérieurement.

Toute mon attention étant concentrée sur le jeune homme pendant que je me faisais cette réflexion, je demeurais presque immobile, attendant un semblant de réponse, ne sachant moi-même pas quoi dire.

" Et bien, au risque de te décevoir, je n'ai jamais eu de Maître. Mais je suis un Assassin à part entière malgré tout. Je me suis accoutumé au combat à la dague et à certaines ruses. Mes expériences ont parfois été douloureuses, mentalement comme physiquement. Sûrement plus douloureuses que tu pourrais imaginer. Si tu en veux la preuve, regarde "

Il fit un geste pour soulever sa tunique mais je fis un pas en avant, et posa ma main sur la sienne pour l'empêcher d'aller plus loin. En le regardant droit dans les yeux, avec ce regard doux et sévère que je maîtrisai si bien, je secouai la tête.

" Il ne suffit pas d'avoir souffert pour devenir ce que tu prétends être. Si tu n'as pas eu de maître, de quel droit portes-tu cette écharpe ? " crachai-je.

Je baissai les yeux, et adopta une moue pensive... Je cherchai mes mots, j'avais peur de dire des sottises. Les mots que je prononcerai à ce moment là resteraient sans doute dans sa mémoire. Autant ne pas se tromper...

" La condition d'assassin n'est pas conditionnée par la souffrance, ou par le vécu. C'est la leçon qui importe. La leçon d'un vrai Assassin. La morale, appelle ça comme tu veux. Sinon, nous ne sommes que de vulgaires tueurs à gage. "

Ces derniers mots avaient été prononcés avec dédain, ce qu'Eléanore regretta aussitôt. Si ce garçon était intelligent, il comprendrait qu'elle avait déjà eu affaire aux gens de cette profession, et qu'elle n'en gardait pas de bon souvenirs. Cependant, Eléanora n'ajouta rien, pestant intérieurement sur son manque d'habilitée verbale.

Je stopai net mon geste en sentant la main de mon interlocutrice se poser sur la mienne pour arrêter mon geste.

" Il ne suffit pas d'avoir souffert pour devenir ce que tu prétends être. Si tu n'as pas eu de maître, de quel droit portes-tu cette écharpe ? "

Elle planta alors son regard dans le mien. Un regard plein d'autorité, de désir d'être obéie dans la seconde. Cherchant quelque chose a répondre, je me tus. Et mes pensées tourbionnaient dans mon crâne, insaisissables, m'empechant de les faire coincider entre elles. J'étais ébranlé jusqu'au plus profond de moi. Cette femme, elle mettait en doute mon existance-même en me demandant de quel droit je portait l'écharpe. Puis arpès le choc, vint la colère. Petit à petit, en quelques secondes seulement, elle me consuma de l'intérieur. Je tentai de rester impassible, de faire comme si sa remarque n'avait fait que m'effleurer. Je pense que j'y suis parvenu. Puis, après quelques instans de silence, Éléanora reprit la parole :

" La condition d'assassin n'est pas conditionnée par la souffrance, ou par le vécu. C'est la leçon qui importe. La leçon d'un vrai Assassin. La morale, appelle ça comme tu veux. Sinon, nous ne sommes que de vulgaires tueurs à gage. "

Ces paroles étaient emplies de mépris et d'auto-suffisance, comme si ce qu'elle disait sortait de la bouche d'un Dieu. La morale, ... J'eus un petit sifflement de dédain. Elle me parlait de Morale, à moi. Non pas que cela aurait été insultant mais elle crachait des paroles comme si nous étions juste de simples marchants à qui ont dirait de ne pas voler. Nous sommes des Assassins bon sang. Notre seule morale est de tuer ! Et la seule leçon que j'ai jamais tirée de mes assassinats étaient de survivre, à n'importe quel prix.

" Une morale ? Pheu, c'est n'importe quoi ! On enfonce nos dagues dans des coeur, on tue de sang-froid et après ça, tu me parles de morale ! ? Honnêtement, crois-tu au moins ce que tu tentes de me dire ? Est-ce que tu crois vraiment qu'il existe une morale derrière les monstruosités - certes nécéssaires - que nous faisons ? Moi pas ! "

Me*de, j'avais prononcé ces mots plus forts et plus hargneusement que j'aurais voulu. Mais la rage qui me consumait alors avait pris le dessus. je me maudis pour mon manque de sang-froid. Je repris cependant, sur un ton plus calme, et je l'espérai, un peu plus doux ... :

" Libre a toi d'y croire ou pas mais moi, je ne crois pas que ce que nous faisons donne lieu à une morale. Et puis après tout, peut-être sommes-nous juste ce que nous prétendons ne pas être : de vulgaires tueurs a gage. Certes, nous ne tuons pas pour l'argent mais pour notre pays. Mais c'est juste une question de conscience. Rien de plus, rien de mois. "

Je tentait d'esquisser un sourire. Mais je me rendai seulement compte que je venais de remettre en question les principes de la Guilde. Je ne le savais pas mais je me doutai que ces réflexions avaient pronfédement blessé Éléanora.

Le petit se laissait emporter.

" Une morale ? Pheu, c'est n'importe quoi ! On enfonce nos dagues dans des cœurs, on tue de sang-froid et après ça, tu me parles de morale !? Honnêtement, crois-tu au moins ce que tu tentes de me dire ? Est-ce que tu crois vraiment qu'il existe une morale derrière les monstruosités - certes nécessaires - que nous faisons ? Moi pas ! "

D'abord, je pris à la légère les excès d'un adolescent rebelle et irrespectueux. Je n'avais connu pire. Très mauvaise pédagogue, ni bonne professeur, je disais ce que j'avais à dire, si mon interlocuteur du moment n'était pas d'accord, j'abandonnais facilement la conversation, et je partais bouder, comme Shiro le disait si bien. Mais ce garçon n'était pas un homme avide de justice et d'aventure qui cherchait mon enseignement. C'était un Assassin, du moins il se faisait passer pour tel ! Il portait l'écharpe, sur ses épaules reposait la réputation de notre Guilde entière. Et je ne pouvais pas le laisser profaner le nom d'Assassin. Il continua pourtant, plus calmement et avec un peu plus de contrôle de soi, mais non moins de prétention.

" Libre a toi d'y croire ou pas, mais moi, je ne crois pas que ce que nous faisons donne lieu à une morale. Et puis après tout, peut-être sommes-nous juste ce que nous prétendons ne pas être : de vulgaires tueurs a gage. Certes, nous ne tuons pas pour l'argent mais pour notre pays. Mais c'est juste une question de conscience. Rien de plus, rien de moins. "

Il avait osé. Il l'avait fait. Il nous avait, nous, les

, comparés à de vils tueurs à gages sans loi, sans honneur, sans titre, sans liberté. Un sentiment étrange s'empara de moi, quelque chose nommé colère, que je ne ressentais pas souvent, mais que je connaissais. Je l'accueillis les bras ouvert, car je voulais concentrer ma colère. Colère, rage... Quelque chose faisait briller mes pupilles. Quelque chose de fort, de mortel, de puissant... et si cette chose avait eu l'apparence d'une lame, ce garçon n'aurait eu le temps de comprendre que ses yeux auraient été aveuglés par son propre sang. Mais cette chose n'était qu'une image, une étincelle, un reflet... Mais je voulais qu'il le voit. D'un geste résigné, je fis un pas vers lui. La mâchoire serrée, des éclairs dans les yeux, je parlai :

" Tu ignores ce que tu avances. Tu n'es qu'un abruti, et ce qu'il te manque est l'enseignement. Tu ne peux te permettre de porter cette écharpe, car aucun Maître ne t'as confié les secrets de la Guilde. "

Les mâchoires serrées, je respirai un bon coup pour évacuer les rougeurs de mes pommettes. Que dire d'autre ? Je n'aimais pas parler, encore moins lorsque j'étais en colère. Tout ce que je disais pourrait être retourné contre moi. Et je ne saurais quoi répondre, dans ce ça. Je savais ne pas avoir la répartie du prétendu Assassin qui se trouvait en face de moi.

Au lieu de continuer sur mon début de tirade, je restai silencieuse, mais je continuai à le foudroyer du regard. Après un léger mouvement de tête vers la gauche, affichant une nouvelle décision que j'avais prise :

" Donne-moi ton écharpe. " ordonnai-je sobrement.

Je me trompais, mes réflexions ne l'avaient pas seulement blessée, elle l'avait carrément rendue furieuse. je le vis au scintillement dans ses yeux. Sans le montrer, je frissonai et commençai a maudire ma trop grande bouche. J'aurais mieux fait de me taire. Mais je ne pouvais pas non plus me laisser faire. Ca me servira de leçon ! Mes pensées étaient contraires entre le fait de continuer et celui de m'exuser. Mais je ne cédai ni à l'un ni à l'autre. J'attendai, simplement.

Puis, Éléanora fis un pas vers moi et dit :

" Tu ignores ce que tu avances. Tu n'es qu'un abruti, et ce qu'il te manque est l'enseignement. Tu ne peux te permettre de porter cette écharpe, car aucun Maître ne t'as confié les secrets de la Guilde."

Je serrai les dents. Rien que le fait d'être traité d'abruti ne fit faire qu'un tour à mon sang. Dans d'autres circonstances, mon interlocuteur - ou dans ce cas-ci, mon interlocutrice - n'aurait plus rien dit après cela. Mais ses paroles suivantes m'avaient blessé. Ne pas me trouver digne de porter le signe des Assassins était pire que l'insulte d'avant. Mais après, je me mis à douter de moi-même. Elle avait raison, quelque part, aucun Maître ne m'avait entraîné et me m'avait inculqué les secrets et les règles de la Guilde - puisqu'apparement, il y en avait. J'eus soudain honte de moi - toujours sans rien en laisser paraître - et me préparai mentalement à faire des exuses. Cette situation me mettait en rage, car je ne m'exusais jamais. Mais toute cette honte disparu quand Éléanora repris la parole :

" Donne-moi ton écharpe."

Là, c'en était trop. Jamais je ne me séparai jamais cette écharpe, devenue en quelque sorte ma carte d'indentité. Cette fois, je laissai libre court à ma rage et dégainai mes dagues. J'adoptai une posture mençante avant de répliquer, avec toute la haine qui brûlait maintenant en moi :

" JAMIS ! Tu entends ? JAMAIS ! Cette écharpe est à moi, et tu n'as aucun droit ni aucune autorité sur moi ! Si tu persistes à la vouloir, tu devras venir la chercher ... par la force ! Et tu comprendras alors que je ne porte pas seulement cette écharpe en signe vestimentaire ! "

A présent, je savais que j'en étais arrivé a un point de non-retour. Après avoir proféré de telles paroles, je me doutai que la réaction d'Éléanora ne serait pas pacifique, ni même diplomatique, loin de là. Je m'attendais donc a devoir me battre contre un Assassin, qui était plus âgé que moi. Sortirais-je vainqueur de cette " bataille " ? Ou serait-ce ma dernière ?

La sueur commençait a perler dans mon dos et sur mon visage. Néanmoins, je gardais tout contrôle de moi-même, et conservai ma posture de combat ...

Spoiler:

" JAMAIS ! Tu entends ? JAMAIS ! Cette écharpe est à moi, et tu n'as aucun droit ni aucune autorité sur moi ! Si tu persistes à la vouloir, tu devras venir la chercher... par la force ! Et tu comprendras alors que je ne porte pas seulement cette écharpe en signe vestimentaire ! "

Moi non plus, oh, moi non plus ! C'est pourquoi je me devais d'empêcher ce gamin de ruiner notre réputation, si durement forgée ! J'imaginais la Guilde devenir tel une bande de tueurs de pacotille, des chiens, juste des chiens que l'on récompense avec un steak, des chiens sans reconnaissance ni honneur. Juste de sales bêtes sans pensée ni choix.

Je dus donc me résoudre à, très sobrement, tirer mes poignards de leur fourreaux, à ma ceinture. Mes yeux étaient rivés sur l'adversaire, qui était aussi hargneux que moi. Durant quelques longues secondes, je vérifiai dans ses yeux qu'il n'allait pas changer d'avis, se raisonner quelque peu. Mais non. Donc, après un bref hochement de tête, je l'attaquai. Rien de plus simple, juste, je me jetai en avant, une main devant moi, lame coté tranchant pointée vers la droite, et l'autre main au niveau de mon épaule, pointée vers l'avant.

Il se défendit, bien sûr, et sa lame contra la mienne à plusieurs reprises. Il n'était aussi incompétent que je ne l'avais supposé, mais il se battait comme une brute, une brute qui avait peut-être une petit don pour le maniement des armes, mais aucun apprentissage ne lui avait appris à garder son équilibre où il le voulait, à ne pas se fatiguer inutilement, à ne pas tenter désespérément de profiter de ce qu'il voyait comme une faille chez un adversaire qui n'en avait pas, ... Il se battait comme un enfant, un enfant doué, certes, doué, pour un enfant.

Mais ça ne dura guère plus d'une minute. Une soixantaine de secondes pour se faire abattre.

Après une série de coups plus tactiques de ma part, deux coups de pieds, d'abord au niveau de l'épaule, puis au ventre, suivit tout de suite après d'un coup de poing féroce dans le nez. Il tomba en arrière, le nez saignant, lâchant ses dagues. Le bruit du métal raisonna sur les pavés, puis tout se tu lorsqu'elles s'immobilisèrent. Je le regardai sévèrement, espérant lui retirer toute envie d'agir, en rengainant un de mes deux poignards. Puis, je m'agenouillai à côté dudit Assassin et, le deuxième poignard toujours dans ma main droite, j'agrippai fermement l'écharpe tant convoitée.

" S'il n'y avait pas eu de Morale, tu serais mort. Si tu avais été digne de porter cette écharpe, tu n'aurais pas échoué si vite. "

Puis, je dénouai le symbole.

Elle patienta quelques secondes avant de donner l'assaut. Elle était douée, très douée, même trop douée. Les chocs de lames se répercutaient dans mes membres, me faisant parfois grimacer de douleur. Néanmoins, je tenais bon. Mais après un petit temps, elle commença à vraiment m'attaquer. Des coups plus techniques, auxquels je n'avait jamais été confronté. Puis, elle esquiva une dague et envoya son pied dans mon épaule.

La douleur fut très intense et j'en restai assomé quelques instants, juste le temps qu'Éléanora me percute de nouveau d'un coup de pied, dans le ventre cette fois. je tombai a genoux, rageant contre ma défaite si rapide. Rageant sur mes capacités à me battre, encore trop faibles pour battre l'Assassin. Puis, elle me fracassa le nez d'un coup de poing. Des lumières dansèrent devant mes yeux, puis je vis de moins en moins clairement, puis tout devint totalement flou. Et je sombrai dans l'insouciance . . .
Je me réveillai dans la nuit.

Directement, je sentis l'absence de mon écharpe autour de mon cou. Et pour la première fois depuis la mort de Fox, je sentisdes larmes couler sur mes joues. Des larmes de tristesse - tristesse d'avoir perdu mon symbole, des larmes de rage - pour les mêmes raisons.

Puis, je cessai de me conduire comme un chien battu. Je devais retrouver Éléanora. Je le devais, pour retrouver mon honneur. Et ces réfléxions m'amenèrent à repenser a ce qu'elle m'avait dit : l'honneur des Assassin, l'honneur de la Guilde . . . Avait-elle raison ? La Guilde aurait-elle une sorte de guide de conduite ? Peut-être aurais-je dû l'écouter. Peut-être aurais-je trouvé en elle un Maître pour m'apprendre, un Maître pour me perfectionner et pour m'apprendre ce que je ne savais pas encore.

J'avais pris une décision : retrouver Éléanora et reconquérir mon titre d'Assassin, et peut-être, pourquoi pas, demander son aide. C'était contraire à mes principes mais je ne rendais compte que tout ne pourrait pas se modifier en fonction de moi ou de ma fierté. Je devais de temps à autre la ravaler.

Je me levai, et décidai de mettre cap sur l'auberge, là où, je pensais, Éléanora se trouvait. On ne pouvait se loger que là. Alors, d'un pas décidé, je pris la direction de la bâtisse . . .

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