Nok nok nok who's there ? [PV Sip]

Morgan ne m'avait pas jeté dehors proprement dit, mais la monde entier me poussait à quitter la maison et vu le speech pas clair qu'il m'avait fait ce matin, je n'avais pas d'autre choix que de me tailler. J'avais acquiescé après sa leçon de condition vampirique, et ce avec un léger sourire en coin. Je ne pouvais pas m'en empêcher. Et, évidemment, Morgan n'avait pas apprécié. J'avais jugé bon de ne pas l'énerver d'avantage (quoi qu'il était plus désespéré qu'en colère) et j'avais déclaré d'un air léger que je préfèrais ne pas rester. Il n'avait rien répondu, son visage s'était fermé. Je ne savais pas si c'était lui, Morgan Cray, mon père, qui était capable de se renfermer ainsi, ou si sa condition vampirique y était pour quelque chose. Moi aussi, ça m'arrivait, de mal prendre une remarque et d'entrer dans mon "mode mur" (humeur dans lequel tout ce qu'on me dit se répercute sans me toucher). Je me demandais si ça faisait le même effet. Probablement pas. Moi, je suis humaine.

J'étais rentré dans ma chambre (en enjambant encore une fois ma porte gisant sur le sol comme si cela était normal), et j'avais rapidement enfillé des vêtements propres. Quitte à avoir une sale g*eule, autant ne pas être couverte de crasse. Je n'essayai même pas de me maquiller, n'osant de toute manière pas me poser devant le miroir : le cas était désespéré. Je pris mon sac (contenant mon porte-feuille, mon gsm, un ipod et quelques bricoles), et sorti de la maison. Morgan avait décampé du couloir de l'étage.

Une fois dehors, je me rendis au centre ville à pied, ce qui me prit une vingtaine de minutes. De là, je pris le bus pour La Push.

J'étais déjà allée chez Aspen, une fois ou deux. Jamais très longtemps, j'avais eu l'occasion de voir son frère... Noah, mais jamais ses parents. J'espérais juste qu'ils soient assez cools pour ne pas me laisser dehors aujourd'hui, parce que je n'avais pas vraiment d'autre endroit où aller. Je me dis que j'aurais plus de chance d'être invitée à l'intérieur si je ne prévenais pas. Pensée assez folle, vrai, mais bon... je m'y résolus.

Pendant le trajet, qui durait à peu près quarante minutes en bus, je posai ma tête contre la fenêtre, endurant les vibrations du moteur, et souriais stupidement.

,

, ... Qui l'eut-cru ? Je avais vécu dans la maison d'un

, mes affaires étaient d'ailleurs encore dans la maison d'un

, je connaissais personnellement un

, mieux ! Mon père était un

.

... Ils existaient. Bizarrement, je n'avais plus peur. L'ignorance, l'incompréhension m'avaient menée à bout, et maintenant que je savais que j'avais de bonnes raisons d'avoir peur, j'étais sereine. Pfff...

*

* Je ris doucement.

Arrivée à mi-chemin du trajet, je regardais l'heure. Il était 8h32. Pour un samedi matin, et pour Aspen, autant dire qu'il était tôt. Finalement, il serait peut-être plus judicieux d'avertir mon amie. Ainsi, j'envoyais un petit sms :

Hey. Besoin d'un endroit où rester aujourd'hui. Suis dans le bus, serais
arrivée à la place vers 8h45. Marcherai jusque chez toi. J'espère que je
dérangerai pas.

Une petite quinzaine de minutes s'écoulèrent, et je continuai à suivre mon esprit qui voyageait. Le mot "

" revenait souvent sur son chemin, mais plus avec la même excitation. Finalement, je descendis du bus, et pour m'empêcher de penser trop loin, je mis les écouteurs pour marcher les dernières dix minutes jusqu'à la maison d'Aspen. Arrivée plus ou moins devant ma destination, je rangeai ma musique et pris une profonde inspiration. Je sonnai.

C’est cool de dormir.

Ah ouais. Bien sûr que c’est cool ! Dormir c’est la solution à tous nos problèmes. N’est-ce pas ? Si on a mal à la tête, on dort. Quand on vient de voir un film d’horreur et qu’on a peur, on dort. Si on est impatient d’avoir un week-end, on dort. On dort, on dort, on dort. Je m’imaginais déjà les petits ‘

’ au-dessus de ma tête. Si seulement je pouvais me voir en dormant ! J’aurais déjà changé mes habitudes désastreuses. Comme si je me trouvais dans une guerre mondiale, je me battais avec mes draps en dormant. Peut-être que j’aurais su – si je ne guérirais pas aussi vite – en voyant les ecchymoses sur mes bras et mes jambes. Mais voilà encore un problème (ou une solution – ça dépend du point de vu) que causait ma personnalité inférieure. Ugh. On dirait une schizophrène. Je devenais de plus en plus pessimiste, ce qui ne me plaisait pas du tout. J’adorais être vu comme le soleil d’une chambre. Dommage que ces temps-ci, je ressemble plutôt à un orage.

Mon rêve était simple. Je marchais dans une ville déserte et m’imaginais en mangeant tous les paquets de chips dans un supermarché abandonné. Personne avec qui partager quoi que se soit. Quel paradis ! Enfin… un paradis, jusqu’à ce que j’aperçue le mort-vivant tout déformé, avec un œil pendant sur sa poitrine et la tête moitié ouverte, marcher vers moi. Bye-bye mes chips à moi. Le zombie ne m’effrayait pas, mais j’eu quand même un sursaut quand il ouvrait grand sa bouche et cria : « Aspeeeeeeeeeeeen ! » avec une voix qui ressemblait légèrement à une voix masculine que je croyais reconnaître. Encore une fois, il hurla : « Aspeeeeeeen ! M*rde, quoi ! Réveille-toi espèce de marmotte ! »

Hein ? C’est supposé dire ça les zombies ?

Je ne me rappelle pas vraiment ce qu’il s’est passé, mais d’un moment à l’autre, soudain, je m’étouffais. Mes yeux s’ouvraient, choqué et grand, en voyant le dos d’un gros sac à puces sur mon estomac. Le sourire grimaçant du garçon, qui avait l’air de s’amusé, ne décrivait qu’une seule chose. Noah. Quel idi*t !

Avec une force incroyable, je le poussais. Ca n’avait pas eu l’impact que j’avais voulu qu’il ait (note : je voulais qu’il tombe par terre, en se roulant vers le mur. Puis il devrait passer à travers de cet obstacle et tomber dans le vide des escaliers, où il perdrait une jambe pour finalement s’arrêter dans la cuisine, où – encore – un couteau lui tomberait sur la tête.), mais c’était suffisant. En rigolant bizarrement, il se leva. Moitié réveillée, moitié endormis, je me sentis obligé de me lever aussi. Mes jambes étaient encore couvertes de la couverture rouge pétante, décoré avec un gigantesque Superwoman. Ma main retira mes cheveux de devant mes yeux, pour mieux savoir observer mon frère débile.

« Quoi ? » exclamais-je.

« Comment ça ; ‘quoi’ ? Ca fait la cinquième fois que je t’appelle ! Ton amie – comment elle s’appelle encore ? – Bah, elle t’attend en bas, » Il parlait vite, « au moins dix minutes déjà ! »

Amie ? Mais je n’attendais personne ! Un peu confus, je sortais de mon lit en tirant au T-shirt de mon pyjama. Mes yeux tombèrent sur le GSM qui se trouvait sur ma table de nuit. Avec un grand bâillement, je cliquais sur quelques boutons, pour que l’écran s’allume. Deux SMS’s. Un qui disait que j’avais reçu 300 SMS’s gratuit (yaaaay) et un de la part de Jasmine Woods. Je ne croyais pas mes yeux. M*rde !

Je n’avais même pas eu le temps de réaliser que j’étais encore en pyjama – un long pantalon de tissus bordés de lignes grises et vertes, et puis le T-shirt brun qui marquait ‘I wanna be a panda’ en bleu ciel – parce que j’étais tellement en panique, que je sortais de ma chambre sans regarder dans le miroir. Un rituel que je n’oubliais jamais. Le choc de voir le zombie de mon rêve en descendant des escaliers fut grand pour cette raison. Ma mère avait placé un grand miroir au bout du tournant de l’escalier pour une raison qui ne m’étais pas clair. Agrandir l’espace, avoir plus de lumière, blablabla… Les goûts de décorations de ma mère étaient affreux, mais on avait décidé de ne pas questionner l’établissement qu’elle choisissait. Ca emportait que des problèmes.

Bref.

J’avais l’air affreuse.

J’entendais Noah crier qu’il avait guidé mon amie dans le salon, comme mes parents étaient encore entrain de manger. Il était samedi matin, et ils détestaient la grasse matinée. Tant pis pour eux. Si je me le rappelais bien, ils allaient à Portland aujourd’hui. Visiter des vieilles amis.
En silence, je remercia mon frère de m’avoir prévenu. Je n’avais pas envie de croiser mon père au matin. Je n’étais pas de bonne humeur, et il allait stimuler ma mauvaise humeur en parlant de mon ‘état’. A chaque fois qu’il partait quelque part, il voulait me parler des conséquences que pouvait me porter ma transformation en loup. Un speech que je connaissais presque par cœur, malheureusement. J’évitais donc la porte de la cuisine, et marchais à grand pas vers la chambrette où se trouva mon amie. Elle avait l’air plus confuse que moi. Et aussi plus…

« Mon Dieu, t’as dormis dehors ? » était ma première réaction.

Si j’avais pensé un peu plus logiquement, j’aurais pu éviter une telle stupidité. Mais mon cerveau ne marchait pas encore à cent pour cent. Je réalisais ce que le mécanisme aurait du faire en deux secondes : tout d’abord, l’SMS avait dit qu’elle avait besoin d’une place où rester aujourd’hui. Ce qui indiquait qu’elle ne savait pas rentrer à la maison. Puis, en voyant son état – les habits chiffonnés, les égratignures sur son corps, les cernes en dessous de ses yeux, les cheveux pas peigné, son air distrait – on avait l’impression qu’elle n’a pas pu aller à la maison hier non plus. C’est sûrement pour ça que j’avais pensé qu’elle avait dormis dehors. Un fait qui devrait être accepté comme rien de plus que ridicule. Pourquoi dormirait-elle dehors ? Pourquoi–

A moins que…

« No way ! Ne me dit pas que ton père t’a fait cela ! » Je ne pouvais rien y faire. C’était plus fort que moi.

Vite ! Une excuse, Aspen. Une excuse !

Rien ne se passait. Hum. Fâcheux. Quoi s'ils n'étaient pas à la maison ? Aspen ne m'avait pas répondu, après tout. Je quittai le porche et me plaça en dessous de la fenêtre côté rue pour voir ce qui se passait dans la maison. Mon poste d'observation donnait sur la cuisine, une pièce lumineuse et propre, avec des tiroirs et des placards partout, rien ne trainait sur le plan de travail. Je me mis sur la pointe des pieds pour voir plus loin, à travers la porte ouverte qui donnait sur le salon. C'était vide. Hum. C'était pas au programme, ça. C'était vachement imprévu, aussi : Aspen ne m'avait pas dit qu'elle comptait partir ce weekend. Et me voilà, à La Push, avec nulle part où aller. Gé-ni-al.

" Fait chier p*tain ! " soufflai-je en me détachant de la fenêtre.

" Eh... ça va ? " entendis-je.

Je sursautai comme électrocutée en me retournant vers la porte d'entrée. C'était Noah, le frère d'Aspen, connu pour ses blagues à deux balles et sa manie de toujours m'appeller "

" (prononcé vaguement "To-namie" pour donner une certaine crédibilité au nom), due à son incapacité à retenir le mien.

ce serait donc, ça ne m'importait guère. Noah était grand, et assez bien bâti (assez de muscles pour que ça se remarque, pas assez pour qu'il soit considéré comme particulièrement fort), et il dégageait un certain charme, avec ses cheveux mi-loins brun foncés qui s'emmêlaient autour de son visage enjoué. Il sembla d'ailleurs sur le point de rajouter une petite phrase bien inspirée quand son expression changea radicalement : ses yeux s'assombrirent, et son sourire s'effaça discrètement. Il m'invita à entrer en feignant de sourire, et me fit m'asseoir dans la cuisine pendant qu'il allait chercher Aspen.

Ainsi, je m'assis sur l'une des chaises qui bordaient la table de la cuisine, un peu mal à l'aise. La pièce semblait encore plus lumineuse vue de l'intérieure, voir trop lumineuse. Trop propre aussi. Complètement l'opposé de la maison de Morgan, qui était sombre, crasseuse et mal organisée. La maison des Madden n'était pas spécialement moderne - ni spécialement vieillotte d'ailleurs, mais on n'y manquait de rien, et elle devait probablement avoir un certain charme - auquel j'étais insensible : je déteste les maisons trop propres et trop lumineuses. Le bruit de la télévision, venant du salon, renforçait mon sentiment de vide.

J'entendis crier dans la cage d'escalier, et à plusieurs reprises. Je vérifiai plusieurs fois l'heure sur mon gsm : 9h08. 9h10... Je le gardais en main et chipota, histoire d'occuper mes doigts et mes yeux. Qu'est-ce que fout Aspen ? Elle descendit à 9h15 en dévalant les escaliers comme une-... Comme moi quand j'habitais chez moi. Elle avait une tête de comateuse mal réveillée, et portait un chouette T-shirt '

' - ce fut la première chose que je remarquai, note. Elle débarqua dans la pièce et, en me voyant, s'exclama :

" Mon Dieu, t’as dormi dehors ? "

Je ne sus pas très bien quoi répondre. Je me contentai donc d'afficher un sourire rassurant et d'exprimer l'inverse :

" Non, non ! J'ai pas dormi dehors, t'inquiète pas ! " J'essayais d'avoir l'air convaincante.

" No way ! Ne me dis pas que ton père t’a fait ça ! " coupa-t-elle, d'un ton qui supposait qu'elle venait de se réveiller pour de vrai.

Le sang me monta à la tête, je rougis comme si je venais d'être prise la main dans le sac. Comment avait-elle pu mettre la main sur une telle... idée ? Moi, qui l'avait vécue, j'avais eu tellement de mal à accepter que Morgan - mon

- avait pu porter la main sur moi ! Et elle supposait directement que mon père avait été coupable. D'accord, je lui avais parlé de mes sentiments à son sujet (comment je l'avais trouvé bizarre, distant, sombre, etc.) mais rien de décisif ! Comment pouvait-elle suggérer cela !?

Elle restait sur l'expectative, attendant ma réponse comme si sa vie en dépendait. *

* Et que dire ? Mon père est un-...

...

Ce mot sonnait faux. Faux comme fée, comme lutin ou comme licorne. Irréel. Avais-je pu y croire ?

C'était pourtant ce mot qu'il avait utilisé, pour se justifier, pour se décrire. Je ne pouvais pas le renier, maintenant que je savais. Et puis, oublier ce terme signifierait replonger dans l'incertitude, le doute. Moi, je préférai croire en

, même si je venais seulement d'en réaliser l'énormité...

De toute manière, non, ce n'était pas mon père qui avait fait de moi ce que j'étais ce matin-là. C'était donc sans mauvaise conscience que j'affirmai :

" Non, ne t'inquiètes pas, ce n'est pas lui. "

Ma voix avait tremblé trop légèrement pour qu'elle le perçoive, mais la conscience de la semi-vérité que je prononçai était translucide : il y avait quelque chose derrière.

" Dis on... pourrait aller dans ta chambre ? " rajoutai-je en indiquant l'endroit où Noah s'était trouvé du regard. La proximité des parents, qu'on entendait discuter à voix basse dans le salon, et le idée que Noah nous entendait peut-être, où qu'il soit, me mettait mal à l'aise.

Spoiler:

Je ne sais pas ce qui m’a pris d’impliquer que son père lui avait fais ça. Enfin si. Je sais ce qui m’a pris. Son père est une sangsue, m*rde ! Un vampire démoniaque qui n’a rien d’autre à faire à la maison, que de se retenir de croquer le coup de sa fille. Mais oui ! Je vous assure ! Tous les vampires sont comme ça. C’est pour cette raison qu’ils méritent d’être anéanti. Tous.
Avec tels sentiments, on pourrait vite s’excuser d’avoir dire un truc pareil, sauf que Jasmine n’étais pas au courant que je savais que son père était un vamp. Mieux : elle n’était pas au courant que j’étais une louve-garou. Tous ces secrets me faisaient mal à la tête. Je m’étais pourtant bien promis de ne plus me faire d’amis… mais avec Jasmine ça avait été tellement naturel. Bref, on était devenu amies avant de même s’en apercevoir.

« Non, ne t'inquiètes pas, ce n'est pas lui. »

Ah tiens. Ca c’était arrangé tout seul. Tant mieux ! Pourtant, j’avais un mauvais pressentiment. Comme si c’était un indice qui annonçait une longue histoire. Elle m’avait prévenue de ne pas m’inquiéter un peu trop. Deux fois de suite ce n’est pas normal.

Je m’inquiétais.

Si ce n’était pas lui – tant mieux. Mais pourquoi était-elle blessée ? Peut-être elle s’était juste fait agresser par un humain, mais même… si cela étais le cas, pourquoi n’étais-elle pas à la maison ? Y’avait quand même quelque chose de louche à cette histoire – et ça me dérangeais énormément.

« Hmm… d’accord. » prononçais-je, pas totalement convaincue.

« Dis, on... pourrait aller dans ta chambre ? »

Ma chambre ? Je suivais son regard. Elle était inquiète que Noah puisse l’entendre ? Mais qu’est-ce qu’elle avait à dire ? Ma curiosité remontait. J’avais envie de la secouer et de crié qu’elle devait tout me raconter, mais j’en étais consciente que c’était une mauvaise idée, et l’abandonnais vite-fait. Un clignotement de ma part devait suffire pour le moment.

Par contre, je n’attendais pas les deux minutes respectueuses qu’on aurait normalement pausé dans une conversation normale, mais je courais vers ma chambre sans attendre mon amie de prendre l’initiative. J’avertis Noah encore une fois dans le couloir de ne surtout pas rentrer – l’excuse des ‘affaires de filles’ était assez convenant – et rentra dans ma chambre spacieuse. Le divan rouge à gauche de la porte était rempli d’habits et de magazines. Je les jetais dans un coin avec un reflex immédiat et faisais signe à Jasmine de s’assoire. En même temps, je me plaçais sur mon lit avec mes jambes croisées. Mes genoux servaient comme appui pour mes coudes, tant dis que mes mains faisait l’affaire pour ma tête.

« Lance ! » disais-je. « Qu’est-ce qui te préoccupe ? »

Aspen réagit au quart de tour à ma demande. Elle sauta sur ses pieds et déguerpi à travers la maison, vers sa chambre. Je la suivi, plus calmement. Je me levai doucement de la chaise de la cuisine, et montai les escaliers marche par marche, hésitante. En entrant dans sa chambre, je la vis débarrasser le divan rouge pour me faire de la place, avant de s'asseoir sur son lit. Sa position, en tailleur sur son propre lit, avec son menton posé sur ses points, était la position qu'adoptait une adolescente lorsqu'elle attendait d'une amie qu'elle raconte une histoire de garçons, impliquant flirts, trahisons et situations extrêmes.

" Lance ! Qu’est-ce qui te préoccupe ? "

Hélas, je ne pouvais pas lui donner ce genre d'histoires. Pendant une dizaine de secondes, ma bouche s'ouvrait, inspirant l'air nécessaire à parler, puis se refermait, hésitante.

" Morgan est un vampire. " finis-je par m'entendre prononcer.

C'était sorti de manière très naturelle; et trop vite, comme une phrase qu'on se répète sans cesse, une phrase pré-faite, pré-construire, pré-réfléchies (ou pas réfléchies du tout), qui tourne en rond dans notre pensée jusqu'à ce qu'on ait l'élan de folie nécessaire à appuyer sur la touche "enter". Presque naturellement, j'avais prononcé le mot "vampire". Ce n'était qu'un mot dans ma phrase, et je n'avais pas besoin de me souvenir du sens. J'avais juste besoin de le dire, de le crier, de me faire entendre.

Puis, jugeant par le silence qui suivit ma phrase, je me confondis de quelques explications :

" Je t'avais déjà dis qu'il était bizarre. Ça me faisait trop flipper qu'il soit enfermé dans sa cave tout le temps, qu'il ne mange jamais avec moi (et qu'il ait fait installer le gaz à la maison pour que je puisse cuisiner moi-même), qu'il soit super versatile, une fois sur-protecteur et l'autre fois agressif. Eh bah je t'avais pas dit que ce qui me faisait le plus flipper à son propos, c'était le mystère qui régnait autour de lui. Et maintenant, plus de mystère. Sérieux, Morgan est un-... "

Je n’avais eu aucune idée du sujet auquel Jasmine voulait me parler. Peut-être elle avait encore eu un malentendu avec son

. Ou peut-être elle avait des problèmes typiquement fille-normale-de-15-ans… En tout cas, je me doutais que ça avait un rapport ‘garçon’. Sa tête n’avait pas l’air de vouloir parler de ça, ni d’être si intéressé pour le moment. Elle avait la tête dans les nuages. Les pensées ailleurs. Confuse.

« Morgan est un vampire. »

Bah ouais.

« Je t'avais déjà dis qu'il était bizarre. Ça me faisait trop flipper qu'il soit enfermé dans sa cave tout le temps, qu'il ne mange jamais avec moi (et qu'il ait fait installer le gaz à la maison pour que je puisse cuisiner moi-même), qu'il soit super versatile, une fois sur-protecteur et l'autre fois agressif. Eh bah je t'avais pas dit que ce qui me faisait le plus flipper à son propos, c'était le mystère qui régnait autour de lui. »

Bah bien sûr qu’il ne mange pas avec toi. Ce serrait bizarre qu’il emmène une belle petite femelle sur la table pendant que tu manges tes spaghettis, non ? Et ça ne cuisine pas les vampires. C’est comme les Japonais. Ca aime manger cru.
S’il est versatile, c’est parce qu’il n’a pas bouffé depuis quelques jours et qu’il devient grincheux.
Lui, protecteur ? Haha ! Quel blague ! Un vampire c’est qu’une machine. Ca n’a pas de sentiments. Pour l’agressif par contre, il a sûrement eu un petit creux en te voyant toute vivante. Heureusement qu’elle flippait. Personnellement, je me demandais ce qu’elle foutait encore dans cette maison.

« Et maintenant, plus de mystère. »

Attends une seconde…

Eh mais… Elle n’était pas supposer savoir tout ça. Et mais… et mais ! La panique m’envahis pendant que les pièces du puzzle tombaient à leur places. Il lui avait raconté ce qu’il était ? Pourquoi ? Comment ? Avait-elle découverte quelque chose ? Avait-il essayé de l’attaquer ? Quelqu’un d’autre ? Peut-être elle avait trouvé les corps vidés de sang dans sa cave. Jasmine était curieuse. Elle aurait pu fouiner dans sa maison en cherchant des réponses à ses soupçons.
Ou non. Cette sangsue n’était pas supposé d’être si débile que ça. Il cacherait bien ses traces, hein ? Hein ?! Mais quoi si ce n’était pas ça du tout… Quoi s’il avait vraiment perdu sa patience et qu’il l’avait vraiment vu comme une cible cette fois-ci ? Les vampires sont imprévisibles.

Mais oui ! Ca devrait être ça ! En voyant l’état de mon amie, je compris. Il l’avait attaqué en maison, elle avait pu l’échappé. Puis elle avait couru, mais il l’a poursuivie. Ensuite il l’a sauté dessus, elle est tombée, ils se sont battus, et… et…

« Sérieux, Morgan est un– ... »

« … –sale vampire pédophile qui a des complexes Lolita ! Comment a-t-il osé te touché, ce sale pervers ? J’ai toujours su qu’ils étaient des bons à rien ces vampires, mais à ce point là? P*tain, je rêve… »

Bizarre. La dernière fois que mes mains avaient tremblés, c’était au début de l’année scolaire. Pourtant là… elles tremblaient plus fortement que jamais.

Ma mâchoire tomba de quelques centimètres, laissant ma bouche entrouverte. Qu'est-ce qu'elle venait de dire, exactement ? Elle avait parlé vite, et en haussant la voix, comme révoltée. Comme en colère. Comme si elle avait cette colère, cette énergie, cette haine en elle depuis le début. Comme si elle n'avait pas pu l'empêcher de s’échapper, d'exploser. Juste, pendant ces quelques fractions d'instants pendant lesquelles sa bouche a parlé plus vite que le temps ne s'était écoulé. Parce qu'elle avait utilité trop de mots, trop d'adjectifs, trop de descriptions. Trop de mots. Elle avait utilisé trop de mots. Elle avait utilisé un mot de trop. Elle en avait prononcé un de trop. Trop naturellement. Trop vite. Trop facilement. Trop familièrement.

C'était impensable, donc irréel, donc impossible. Elle n'avait pas dit ça. Je délirais. Ç’avait été la goûte en trop. Celle qui avait fait déborder le vase. Je me sentis blêmir, mon sang sembla s'évaporer, et tout devint froid, moite. Ma vision devint floue. La goûte en trop. Même plus capable de faire la distinction entre la réalité et mes fantasmes, mes délires.

Le monde s'était, bizarrement, arrêté de tourner. Le temps avait arrêté sa course infernale. Juste Aspen et moi, dans une chambre, se faisant face.

Perdue dans moi-même, je sentis monter un ricanement sourd. Le mien. Doucement, il s'intensifia et je ris un peu.

" Tu n'as pas dit ça. " dis-je finalement, sourire au lèvres, mais sur un ton un peu trop injonctif pour avoir été naturel.

Je reprenais confiance en moi, le monde repris ses repères et se remit en mouvement. La réalité devenait plus nette à mes yeux, et mes esprits se calmaient. J'étais juste dans la chambre d'une copine, on discutait. Aspen était une fille bien, ma seule amie. Elle aimait la neige, comme moi, et vivait dans une belle maison bien propre et bien rangée. Je pouvais lui faire confiance.

Spoiler: