Good morning [fini]

[Suite de ce sujet]

Je me réveillais doucement dans mon lit. Une lumière matinale était filtrée par mes rideaux rouges, ce qui teintait ma chambre d'une pâle ombre chaude. Je portai la main à mes yeux pour les frotter. Ils me piquaient, comme lorsqu'on se réveille après une nuit trop courte, ou un sommeil troublé... ce qui avait probablement été mon cas. Je regardai mon avant-bras : il était enroulé dans quelques bandages blancs, qui s'étaient un peu détachés. Même chose autour de mes épaules, et surtout ma poitrine. Je retirai les pansements improvisés, et découvris une série de griffes, dont la plupart faisaient à peu près un demi centimètre de profondeur. Une petite croute s'était formée par dessus, et les ensembles avaient pris une apparence rouge-brunâtre. Les bandages devaient avoir été purement symboliques, *

*, pensai-je en constatant les petites tâches de sang sur les pansements.

Je posai les linges blancs, et pris une profonde inspiration. Ma main se baladait le long de mes joues, découvrant d'autres griffures. Je ne devais pas être belle à voir... Cette pensée m'arracha un petit sourire triste. Comme quoi, on est jamais contente, et on ne se trouve jamais belle à voir. Mais cette idée se dissipa vite, laissant place à toutes sortes d'images, de souvenirs de la veille. Mais contrairement à l'effet que ça aurait, je crois, normalement occasionné, je revécus ces quelques heures comme indirectement. Je m'imaginais comme vue d'en haut, sans émotions, sans lien avec moi-même. Juste des faits dont je subirais les conséquences. De toute manière, le pire était passé. Le pire passe toujours. Maintenant, il en venait à la phase de compréhension, où tout s'expliquerait. J'ignorais si je voulais vraiment comprendre. Le passé étant passé, j'aurais préféré tourner la page, au lieu de m'attarder pour ma propre raison. Mais comme tout être humain, une partie de mon esprit, une minime fraction, une petite voix, une détestable petite voix, voulait comprendre, et ne lâcherait pas l'affaire. Je devrais m'attarder un peu dans cette histoire, que je le veuille réellement ou non.

Je me levai donc. M'attendant à subir de vives douleurs, je fus agréablement surprise de ne souffrir que de muscles atrophiés... et de froid - sortir de dessous la couette, c'est toujours une terrible épreuve. Je me vis encore porter les vêtements de la veille, bien qu'ils soient tâchés de boue et qu'ils soient encore un peu humide par endroit. Je me couvris d'un pull qui trainait sur une chaise, et jeta un coup d'œil - très rapide - dans le miroir. Horribles cernes, teint pâle, griffes sur tout le visage. Tout ce qu'il me fallait savoir, et tout ce que j'aurais préféré ne pas voir. Je ressemblais à un zombie. Littéralement.

J'étais surprise de n'avoir encore rien entendu de Morgan... quoique, lui qui était toujours si discret, si silencieux, et lui qui vivait dans sa cave, il pouvait très bien ne pas avoir changé ses habitudes malgré les évènements. Mais j'eus peur. Quoi s'il avait déserté ? Quoi s'il était parti ? Je n'aurais jamais mes réponses, et je serais hantée toute ma vie par- ...

Je sortis de ma chambre en enjambant ma porte comme si elle n'avait été là. Pauvre tas de planches sur le sol. Je débarquai dans le couloir, m'apprêtai à me diriger vers les escaliers quand... le voilà. Il ne m'avait pas abandonné. Il était assis par terre, contre le mur, fixant le vide. Ses yeux étaient grand ouverts et il ne semblait pas respirer. Je m'immobilisai. Son air était encore plus tourmenté que le mien pouvait l'être. J'eus pour un très bref moment, pitié de lui... mais j'oubliai vite ce point de vue. Il me devait des explications. C'était un monstre, un père indigne, il avait ruiné ma vie, mais je devais l'écouter... enfin il devait parler.

J'attendis quelques secondes. Autant s'épargner les usages.

" Alors ? " Je fis une pause. " J'attends. "

"Alors ? J'attends."

Le moment fatidique était arrivé. Celui que j'avais redouté durant cette nuit. Car au bout de longues reflexions, j'avais trouvé des réponses probables à cette question, mais aucune ne me semblaient valables. Car soit je lui mentais et baffouais mon ultime dignité soit c'était la pure et simple vérité. Celle qui la ferait fuir définitivement de moi. Celle qui me ferait quitter le dernier lien avec ma vie passé, le dernier lien avec Adelaïde. J'osais à peine la regarder, mon regard se bloquait à ses chevilles. Elle avait beau être ma fille, j'avais beau être un vampire donc avoir plus de puissance qu'elle, je n'arrivais pas a défier son regard. Jamais il n'y avait eu autant de guerre intestine en moi, jamais autant de conflit intérieur... Qu'est qui dominait le plus en moi? Ma dignité ou la peur? Je ne saurais pas la dire. Pourtant il fallait que je dise quelque chose, remplir mon rôle de père, celui auquel je n avais jamais eu beaucoup à faire auparavant... J'enclanchais un compte a rebour final dans ma tête, au fur et a mesure que les chiffres se rapprochaient de "0" je remontais la tête jus qu' a arriver a hauteur de son regard. Apparament , ces plaies avaient plus ou moins cicatrisée d'elle même, néamoins, sur son visage dominait encore quelques griffes ne demandant qu'a se réouvrir au moindre choc.

Je me devais de lui dire ! Je devais me jetter à l'eau !

"Ahem... bien dormi?"

Ces mots sont sortis tout seuls, je pouvais me le promettre ! Je n'avais su rien dire d'autre que cela... Pourquoi n'y arrivais-je pas? Cela ne doit pas être permi d'autant faire soufrir un vampire...

Spoiler:

Dans un premier temps, Morgan ne réagis pas. Je demeurai immobile, appuyée contre le cadre de porte de ma chambre. Mon regard était fixé sur son dos. Il était assis par terre, tête basse. Pour la première fois depuis notre rencontre, je me sentais supérieure à lui, même si c'était plutôt bête, comme conception. J'étais celle qui avait été blessée, et qui avait maintenant un visage amoché au possible et qui devrait vivre avec pendant un moment. Lui était indemne. Pourtant, c'est lui qui était rongé, et c'est moi qui le regardait de haut. Quoique... était-il indemne !? Si c'avait été réellement lui, ~~cet homme~~ cette chose qui a tenu tête à Anélia, il y avait de grandes chances qu'il-...

Ma lèvre inférieure s'était décollée de sa jumelle, et je le regardais sous un œil nouveau. Quoi s'il avait été gravement touché, lui aussi, mais qu'il avait attendu la nuit là, assis dans le couloir, en attendant mon réveil pour vérifier si j'allais bien ? S'il avait fait l'effort - bien que plutôt futile - de panser mes blessures, que devais-je faire ?

Il inclina sa tête vers moi, semblant regarder mes pieds. Je m'imaginais me précipiter vers lui pour vérifier s'il allait bien. L'aider à se lever, à le soigner. Ne serait-ce que l'apaiser... Ne serait-ce que fixer ses yeux, quelques soient leur couleur. Mais une peur étrange me retenait. Debout, immobile et éloignée de lui par un bon mètre cinquante, je n'osais bouger. * Eh... ça va ? * m'imaginai-je dire. Mais l'ordre ne parvenait pas à mes cordes vocales. * Eh... ça va ? * m'imaginai-je dire dans un autre ton. * Eh... * Mais il commençait à lever la tête. Mon sang se glaça. Avait-il des marques ?

" Ahem... bien dormi ? " lâcha-t-il.

Je l'aurais tué ! Il était indemne, et il niait ! Dire que j'avais pu ressentir de la pitié pour lui, ou craindre pour sa santé ! Il se foutait de moi, et ouvertement qui plus est ! Je me raidis, sentant mon sang bouillir dans mes veines, et l'envie d'exploser en jurons et en reproches se fit de plus en plus grande. Mais je n'en avais pas la force. J'étais passée par toutes les émotions possibles et imaginables la veille... j'étais fatiguée de tout ça. Aussi expirais-je de lassitude, et repris-je mon calme.

" Tu... me dois- " articulai-je en fixant le vide. " -des explications. " terminai-je en affrontant son regard à sa source.

Le temps s'écoulait d'une lenteur affligente... Et plus ce temps s'écoulait, plus je me sentais honteux de mon détournement de question, bien que je suppose qu'avec elle, cela ne servira pas à grand chose... Enfin bon, j'aurais essayé...

"Tu me dois des explications..."

Voilà, qu'est que je disais? Elle est bien la fille de sa mère... Oh oui... tellement. Et c'est peut-être pour cela que je lui dois la vérité. Elle était blessée et cela était de ma faute, j'aurais du être plus présent. Sa colère avait réouvert sans qu'elle ne s'en rende compte une plaie à la jambe. Elle mérite et a le droit de savoir ce qu'il s'est passé hier soir. Même si elle part d'ici en courrant, elle saura la vérité. A elle de la croire, ou pas.

"Des explications, ... Si c'est cela que tu veux..." Je me levai, "Tu as du comprendre que ce qui est arrivé hier, n'est pas chose courante... Et pourtant, pour moi elle l'est. Enfin, je veux pas dire par là que je me bat tout les jours...Du moins non, je me bats pas tous les jours... Non..." Morgan, pour l'amour du ciel, arrête de bafouiller "Je suis pas comme toi, enfin... Je ne le suis plus... Je suis un vampire."

C'est dit, c'est fait, voilà... Mon regard se dirigea vers mes pieds sans aucun espoir de remonter celui ci vers ma fille. Peut être allais-je perdre en cet instant même, la dernière chose me rattachant au Morgan que j'étais.

Je me sentais faible , comme si quelque chose tombait en moi, une chute , une cassure en mon moi intérieur, le poids du masque que je portais peut être. Je n'en sais rien, mais en tout cas, je n'étais pas assez fort à ce moment là. Je dus me rasseoir pour rester conscient et de ma bouche sortais ces mots à peine audible :" Je suis un vampire, je suis un vampire, je suis un vampire" Comme si le secret trop longtemps gardé en moi venait d'exploser et s'évacuait de moi à n'en plus finir. Je serrais ma tête entre mes mains. Des larmes s'échappaient de mes yeux; tel etait donc le destin des vampires, se sentir différent des autres, prendre conscience qu'on aura beau protèger ceux qu'on aime, ils finiront par mourir, et nous on restera. Et encore, faut-il seulement que ces proches nous acceptent tel que l'on est... Faudrait il seulement que Jasmine m'accepte tel que je suis... Les larmes s'échappaient de mes yeux, elles ruisselaient le long de ma joue et alla s'écraser sur mon pull crasseux de la veille.

Je relevai mon regard vers Jasmine :

" Je suis un monstre. "

" Tu... me dois-... ...des explications. "

Il avait les yeux baissés, le regard perdu quelque part au niveau de mes genoux. Son visage n'affichait aucune expression. Rien. Puis, il fut pris d'un petit rire, avant de resombrer dans son absence d'émotion visible. En temps normal, j'aurais été incapable de ne rien faire, d'attendre ainsi qu'il daigne me parler. Je lui aurais sauté au cou, je lui aurais fait cracher une explication, je l'aurais insulté de tous les noms, je l'aurais provoqué jusqu'à ce qu'il réponde,... Je l'aurais fait parlé, et tous les moyens auraient été bons. Mais bon, faut dire, "en temps normal" avait été enterré avec ma mère et se trouvait bien loin aujourd'hui. Peut-être cette expérience m'avait changé, après tout. Vivre avec Morgan, c'était très différent de tout ce qui pouvait être qualifié de "normal". Peut-être finirai-je dans un asile, comme une vieille femme traumatisée par son étrange père lors de son adolescence... Pfff, aucune chance. Au pire, ces derniers mois m'auront peut-être appris la patience.

Peut-être. Je serrai les poings d'agacement, mais restai silencieuse. Il prit une inspiration, nous étions dans la bonne voie.

" Des explications... " Oui oui oui ! -... NON ! Ne t'arrête pas maintenant non de - "... Si c'est cela que tu veux... "

Je mordis ma langue. Il se leva lentement, pensif. Rah ! Il se fout de moi ? Qu'est-ce qui était si compliqué à expliquer !? *

*

" Tu as dû comprendre que ce qui est arrivé hier n'est pas... chose courante. ... Et pourtant, pour moi elle l'est. Enfin, je veux pas dire par là que je me bats tous les jours- ... Du moins non, je ne me bats pas tous les jours mais... Non... "

N'avait-il pas eu déjà assez de temps pour réfléchir, ou était-il vraiment lent à la détente ? Toute la nuit qu'il était resté là et il se contredisait encore ! Bon, au moins, une nouvelle information - ou, du moins, une confirmation : il s'était battu la nuit dernière. Or il n'avait pas de blessure, donc, il avait un truc... ou bien il ne s'était pas réellement battu. Après tout, contre une fille de mon âge, ça n'avait pas dû être spécialement rude... d'autant plus que le combat avait été très court-... si mes souvenirs sont corrects (et c'était là encore la première chose de laquelle je doutais).

" Je suis pas comme toi, enfin... Je ne le suis plus... Je-... Je suis un vampire. " lâcha-t-il.

Mon attitude ne changea d'abord pas, comme si le plus important était encore à venir. Comme si j'étais encore à l'écoute, comme si j'attendais encore de recevoir l'information capitale, l'explication de tout. Puis mes sourcils jouèrent, se froncèrent, et se relaxèrent, puis se levèrent, se refroncèrent. Ma bouche s'ouvrit en un sourire figé, celui qu'on affiche quand on ne sait pas si on vient de nous raconter une bonne ou une mauvaise nouvelle. Après ça, mes yeux voyagèrent, explorant leur orbite, comme cherchant une aide, un petit ange ou un petit démon qui se cacherait peut-être, prêt à me murmurer comment la suite des évènements prendrait place. Mon regard s'arrêta sur le visage de Morgan, le fixant, mais je ne voyais rien. Rien de plus qu'un visage, une forme ovale percée de trous couronnée d'un nez. Je ris. J'eus ce même rire débile qui suit le sourire figé de quand on ne sait pas comment réagir à une

. J'arrêtai de rire, le fixant toujours. Puis je m'esclaffai, sans vraiment trouver quoi que ce soit drôle. Je ne le vis même pas se laisser glisser le long du mur pour retrouver sa position initiale, assise; mon regard resta bloqué à l'endroit même son visage avait été lorsqu'il avait été debout.

Je ne riais pas pour me moquer, ni pour montrer que je ne le croyais pas. C'était un rire franc, simple, et les larmes qui débordaient de mes yeux pendant que je portai ma main à ma bouche pour tenir la tenir fermée n'étaient rien d'autre que des larmes de soulagement. Je comprenais enfin et... et oui, oui tout était logique. Un

. Un

. Morgan était un

. Tout ce temps, je vivais dans la maison d'un

. Morgan était mon père. Mon père était un

. Maintenant que je savais tout, je ne voyais pas comment j'avais pu rester dans l'ignorance la plus complète.

" Ouais ! Ouais, ça se tient. P*tain c-c-c'est... c'est cohérent ! " soufflai-je en me calmant quelque peu, tout en restant joyeuse.

Il me sembla qu'il eut dit quelque chose, mais je ne l'entendis pas. Aussi continuais-je à parler, moi, pour soulager le silence.

" C'est tellement simple, et-et... Et tout concorde ! C-c'est... C'est génial ! "

Aurais-je été entrain de découvrir l'ultime vérité sur l'histoire du monde, je n'aurais pas été plus... Qu'étais-je ? Probablement quelque chose entre l'euphorie, le soulagement et le délire.

"C'est tellement simple, et-et... Et tout concorde ! C-c'est... C'est génial ! "

Génial... Etait ce donc le seul mot qu'elle avait pour qualifier ma situation?
J'essuyais mes larmes ruisselantes sur ma main gauche, si elle trouve ceci génial, c'est qu'elle n'a pas conscience du danger que je suis pour elle ! Je pourrais la tuer dans un de mes excès de rage si je n'y prenais pas garde.
Je suis un monstre...Elle devait en prendre conscience... Il faut qu'elle parte, pour sa propre sécurité. Mes jambes, mes pauvres jambes, je dois vous demander l'ultime effort de me relever.

...

Je me mis debout

"Sais tu quel a été mon dernier sentiment humain?"

Je n'attendis aucune réponse de sa part

"La mélancolie... Celle d'avoir perdu ta mère. J'errais dans la ville sans but, je travaillais sans raison... Puis cette silhouette est arrivée, cette si belle silhouette, je me suis simplement laissé faire... Et depuis ce jour là, je n'ai plus eu de véritable sentiment, du moins, plus aussi fort qu'avant. Même envers toi... "

Et pourtant, je l'aimais. Elle était ma fille, ma raison d'être et c'est pour ca que je dois continuer, pour elle, par amour que j'ai envers ma fille. La protèger... Agir comme un père normal, pour une fois.

"Je pourrais te blesser... te tuer. Tu pourrais en temps de crise devenir du gibier. Tu ne te rend pas compte de ce qu'est un vampire. HHier, quand je t'ai reconduis , blessée, je n'avais qu'une envie, te vider de ton sang , j'ai réussi a me contrôler, et si cela n'etait pas le cas dans l'avenir ! Te crois tu assez forte pour rivaliser avec un vampire? "

De rivaliser avec moi? Un monstre. Mon souffle était rapide et saccadé, mon coeur battait à une vitesse folle, j'allais surement la perdre, et cela sera le meilleur pour elle. Elle vivra une vie paisible, elle aura un bon mari, des enfants, un labrador et moi peut être me trouverais-je un jour une raison d'existence. Un jour peut être

Je revoyais dans ma tête la première fois que j'avais vu Adelaïde, son sourire voyant mes hésitations. Si simplement, je pouvais revivre ce moment, cet unique moment. Etre Morgan Cray, une dernière fois...

Adelaide... je suis désolé. J'ai finalement peu changé, je ne suis toujours pas capable d'assumer mes actes. Je ne serais pas capable de donner à Jasmine une vie correcte... Je suis désolé

Je regardais ma fille, peut être pour la dernière fois, dans les yeux...Pars Jasmine... Pars...

Je t'aime...

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